Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/102

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— Qui m’avait ainsi calomnié ? dit Thierray.

— Ah ! vous convenez, reprit Éveline, que, dès qu’on s’occupe de toilette, on perd le droit de prétendre au sérieux ?

— Non pas ! Il y a sérieux et sérieux, comme il y a toilette et toilette. Ne voir que la valeur où l’éclat des choses, c’est être frivole ; mais apprécier le choix, l’arrangement, l’harmonie, c’est faire de l’art, et je déclare que vous êtes une grande artiste.

— Votre approbation doit me flatter, dit Éveline ; les romanciers ont besoin de s’y connaître pour peindre des types. Voyons, à quel caractère attribueriez-vous mon costume dans un de vos personnages ? Mes chiffons seraient-ils l’indice révélateur d’une âme fantasque ou profonde, courageuse ou timide ?

— Il y aurait de tout cela, répondit Thierray, des contrastes piquants et des énigmes terribles dont on donnerait peut-être sa vie pour savoir le mot.

— Tais-toi donc ! dit tout bas Éveline à Nathalie, qui lui adressait la parole. J’écoute une déclaration. — Expliquez-vous mieux, dit-elle en se retournant vers Thierray, et ne faites pas trop de littérature avec moi qui suis une fille de campagne. Dites tout bonnement ce que je suis, ce que je pense.

— Jusqu’à ce jour, vous n’avez rien aimé.

— Oh ! si fait : mon cheval !

— Vous en convenez, rien que votre cheval ?

— Oh ! mes parents, ma famille, cela va sans dire…

— Vous vous aimez encore plus vous-même.

— Mais vous me dites des injures, je crois, et je n’aime que les compliments, je vous en avertis.

— Je ne vous en ferai pas. Vous êtes peut-être une âme affreuse, un caractère détestable !