Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/238

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baisa involontairement l’anneau, le mit à son doigt et remonta la colline. D’en haut, il vit la jeune fille qui, rapide comme une flèche, traversait au galop une clairière déjà lointaine.

Thierray rentra ; tout dormait encore. Il put restituer la mante de Manette, ranger le salon, faire disparaître les traces du souper, et se retirer dans sa chambre, où le sommeil ne put le suivre. Tout en résumant cette nuit d’aventures et la journée qui l’avait précédée, il se rappela son billet à Flavien. L’idée de laisser ce dernier un jour entier dans l’erreur où il l’avait plongé sur le compte d’Éveline, à propos du bouquet d’azalée, lui fut insupportable. Il était couché depuis une heure, quand ce souvenir lui vint. Il se releva, se promettant, par la même occasion, de supprimer son envoi de vers à Nathalie, qu’il était bien résolu de ne plus occuper de ses prétendus hommages.

Mais, quand il arriva au buffet où il déposait chaque soir ses lettres, il ne les retrouva plus. Gervais frottait le meuble, le facteur avait passé ; il était déjà loin, emportant le courrier de Thierray.

Thierray prit son parti d’aller se recoucher, se consolant par la pensée qu’Éveline lirait la date de son envoi à Nathalie, qu’il la verrait le jour même pour se justifier, et que, le jour même aussi, il écrirait à Flavien pour le désabuser. Néanmoins il eut, relativement à ce dernier, un mouvement de honte et de jalousie.

— Cette fois, se dit-il, ma spontanéité n’a pas pris conseil de ma réflexion. J’ai livré pour vingt-quatre heures aux dédains ou aux désirs d’un tiers l’aimable fiancée dont je porte au doigt le gage d’alliance, et j’en enrage ! Tant mieux ! après tout ; à cela je sens que je l’aime ! Pourvu que l’inflammable Flavien ne se mette pas en tête de me