Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/25

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— En ce cas, il faut quitter Paris pour quelques semaines.

— Précisément, je pars demain matin pour le Nivernais.

— En vérité ! Que vas-tu faire dans le Nivernais ?

— Ce que, depuis six mois, je remets de jour en jour : vendre une propriété que j’ai par là, à un voisin qui s’appelle Dutertre.

— Ah çà ! s’écria vivement Thierray, tu connais donc M. Dutertre ?

— Pourquoi veux-tu que je le connaisse, puisque je ne connais ni le Nivernais, ni ma propriété ? Il y a six mois qu’une vieille grand’tante m’a laissé là une maisonnette, un pré, un champ, un bois, quelque chose enfin que mon notaire évalue à cent mille francs. J’ai besoin de ces cent mille francs pour faire remeubler mon château de Touraine ; il y a en Nivernais un M. Dutertre qui est riche, dit-on, député, je crois… oui, j’ai dû voir sa figure quelque part. Il veut s’arrondir, il paye comptant, je lui vends mon immeuble, et je vais de là en Touraine. Veux-tu venir avec moi ? Je t’emmène.

— Vraiment, en Nivernais ?

— Eh ! oui, mon cher ; cela vaudra beaucoup mieux pour ton instruction et tes plaisirs que d’aller travailler à la perdition d’une provinciale… comment disais-tu ? d’une provinciale de cœur et d’esprit ! Ah ! quel style ! toi qui écris si bien ! Allons, c’est décidé, nous partons à sept heures par le chemin de fer d’Orléans, et nous ne nous arrêtons que sous les vieux chênes du Morvan. Quand je dis chênes, c’est pour dire un arbre quelconque, car je ne sais ce qui pousse dans ce pays-là. Mais on m’a dit que c’était boisé et giboyeux. Nous chasserons, nous lirons, nous philosopherons. À demain, n’est-ce pas ? Tu me sacrifies ta provinciale ?