Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/257

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Elle était donc souffrante et jalouse jusqu’à la fureur, en voyant une autre femme, la femme qu’elle haïssait, devenir, par sa faute à elle, l’objet des désirs qu’elle eût voulu inspirer, bien que, dans son agitation et son ignorance d’elle-même, elle ne se rendît pas compte de ce qu’elle éprouvait.

Dutertre vit que, sur le point capital, elle était sincère, et n’osa pas insister pour savoir le reste. Il était même naturellement porté à attribuer le badinage des fleurs à la folle Éveline, comme une de ses naïves rubriques pour rendre Thierray jaloux. Il en fut plus attristé dans son amour. Éveline, coupable à sa manière, mais sans malice aucune, contre sa belle-mère, et Nathalie innocente, Olympe restait chargée d’un blâme qu’elle méritait en effet pour avoir secrètement accusé cette dernière d’une noirceur gratuite. La pauvre femme avait tant souffert, qu’elle pouvait bien avoir quelques accès d’injustice. Elle l’avait senti, elle l’avait dit à Flavien ; elle avait fait ensuite tous ses efforts pour lui en retirer la pensée, elle avait été près de s’accuser elle-même pour disculper les autres ; mais elle n’avait pu y réussir sans émouvoir, plus qu’elle ne l’avait prévu, l’imagination exaltée de ce jeune homme, et tout cela formait un vague ensemble de dénégations pudiques et de frayeurs attrayantes que Flavien avait définies à sa manière, à savoir que, sans y rien comprendre, il s’y était brûlé comme un sphinx ivre et impétueux à une flamme tremblotante agitée par le vent.

Dutertre consola et rassura sa fille, qui pleurait moitié de colère, moitié de chagrin. Il prit la lettre et la jeta au feu.

— Que tout ressentiment et toute inquiétude soient consumés, dit-il, comme cette lettre imprudente et fri-