Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/268

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Amédée tressaillit, devint pâle comme la mort, et resta fasciné par le regard de son oncle, les yeux dans les siens, avec l’expression d’un profond désespoir, mais sans honte ni crainte.

Dutertre fut subitement désarmé par cet air de franchise qui bravait la douleur même.

— Ah ! malheureux ! s’écria-t-il, toi aussi, tu l’aimes ! mais c’est un inceste du cœur !

— Non, il n’y a pas d’inceste, répondit Amédée avec la résolution d’un homme fort, qui, contraint d’avouer tout, ne recule devant rien ; il n’y en a pas dans mon cœur, puisqu’il n’y en a pas dans ma pensée.

— Mais ce parfum que tu cherches là, s’écria Dutertre en froissant les asphodèles, c’est à moi de l’y trouver, à moi seul, et tu me le voles, dans le secret de ton âme !

— Pourquoi me volez-vous le secret de mon âme ? répondit Amédée, presque irrité contre son oncle. Vous faites là un grand mal à vous et à moi !

— Le malheureux me donne tort ! s’écria Dutertre avec angoisse. Oui, oui, c’est moi qui suis le coupable, parce qu’on me croit aimé !

— Vous êtes aimé, mon père, ne soyez pas ingrat envers le ciel, vous êtes aimé comme personne ne le fut jamais.

— Qu’en sais-tu, insensé ? Tu t’en inquiètes donc bien ? Et que t’importe à toi ? T’ai-je chargé de veiller à la garde de mon trésor ?

— J’ai veillé sur sa santé, sur sa vie. Quelle plus grande preuve d’amour et de dévouement pouvais-je vous donner, à vous, que de rester auprès d’elle ?…

— En souffrant comme tu souffres, n’est-ce pas ?

— Qui vous a dit que je souffrais ? Me suis-je jamais