Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/277

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voir ; mais quand il rentra dans sa maison, il pensa qu’il n’y reverrait plus cet enfant si parfait, et la trouva vide. L’être qui, pour lui, peuplait tout de joies ineffables était comme séparé de lui désormais par un abîme. Il ne croyait pas Olympe infidèle par le cœur, et il savait qu’elle ne l’avait pas été par les sens ; mais il n’était pas sûr qu’elle ne l’eût pas été par l’imagination : et ne fut-ce que pour un instant, sans le concours de sa volonté, et comme à l’insu d’elle-même, c’en était assez pour que le radieux bonheur de l’époux fût terni, presque empoisonné.

Il n’alla pas réveiller sa femme. Il ne voulut ou il n’osa pas croire que quelque inquiétude sur son compte l’eût empêchée de s’endormir. Il n’alla pas, comme à l’ordinaire, contempler son beau sommeil chaste comme celui d’une vierge. Il craignait de se surprendre moins occupé de l’admirer que d’espionner la découverte de quelque secrète trahison de l’âme. Son rôle d’époux, qu’il avait rempli jusque-là avec tant de religieuse dignité, lui parut, pour la première fois, le rôle odieux ou ridicule d’un mari jaloux ou trompé.

Il alla errer dans les bois et prit la direction de Mont-Revêche sans y songer, mais entraîné par un instinct de méfiance dont il ne se rendait pas compte. Il rencontra Thierray qui venait déjeuner à Puy-Verdon. Dutertre ne songea pas à saluer en lui son gendre, à lui faire l’accueil encourageant et paternel des autres jours. Il ne se souvenait même pas que ce fût là le futur époux d’Éveline. Il ne voyait plus en lui que le confident de Flavien, l’homme qui avait lu cette lettre maudite, et qui pouvait supposer son honneur en péril. Sans cette lettre, Dutertre eût, à coup sûr, ce jour-là, provoqué généreusement ces aveux délicats, toujours embarrassants de la part d’un