Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/281

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Là-dessus, il s’éloigna sans juger nécessaire d’attendre la réponse de Thierray.

— Ceci est trop fort ! dit le jeune homme en remontant avec rage sur son cheval. On sait que je suis aimé ; la fille est compromise ; on m’interdit très-formellement de songer au mariage, et on m’autorise à revenir dans la maison ! C’est un peu trop me traiter en subalterne, je pense… ou bien cette fille a déjà fait plus d’une équipée du même genre. On sait qu’elle est perdue, qu’elle ne peut être épousée, et on lui permet d’avoir des amants sous forme de fiancés pour l’empêcher de faire du scandale. Est-ce là la cause de ce soin qu’elle prend elle-même de ne jamais rien promettre pour l’avenir ? Est-elle une de ces femmes affranchies qui ont horreur du mariage et qui prétendent vivre libres à la face du monde ? Elle est assez cerveau brûlé pour avoir contraint sa famille à subir les conséquences de son émancipation. Ma foi ! je serais bien sot de n’en pas profiter. Cela est beaucoup plus agréable qu’un engagement comme celui que j’allais prendre.

Et Thierray piqua des deux, le cœur plein de colère et l’esprit de railleries.

Mais, comme il approchait des tourelles blanches et sveltes de Puy-Verdon, il assista à une petite scène gravement burlesque qui le fit rentrer en lui-même.

Quoiqu’il n’eût pas emmené Forget, Forget se trouvait là. Il était venu pour vider un compte avec M. Crésus, qu’il n’avait pu voir la veille, le page ayant passé tout le jour endormi et caché dans le grenier à foin, pour se dédommager de la mauvaise nuit qu’Éveline lui avait procurée. Forget venait chercher et guetter Crésus aux alentours du château, et, au moment où Thierray approchait, le rigide serviteur de Mont-Revêche venait de sur-