Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/347

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prendra de telle façon, que personne ne saura où le joindre et que personne peut-être ne pourra jamais constater son genre de mort. S’il veut se battre… ma foi ! je n’ai jamais vu qu’on pût empêcher un homme de cœur de se battre quand il croit devoir le faire. Pourtant, d’après son billet, j’espère qu’il n’est plus question de tout cela, et que, s’il en a eu la pensée, un quart d’heure de solitude et de réflexion dissipera ces fumées. Il promet de revenir demain matin, et Dutertre n’a jamais rien promis qu’il n’ait tenu. Il est monté à cheval, c’est très-bon ; il n’est guère de transport qu’une demi-heure de trot par une nuit froide n’ait forcément calmé. Il y regardera à deux fois, d’ailleurs, avant de faire une esclandre qui transformerait une chose très-indifférente en une rumeur publique. Calmez-vous donc un peu, et repentez-vous beaucoup, mon enfant. Vous êtes mauvaise, vous abusez de votre esprit, vous êtes jalouse de votre belle-mère, et, en croyant la faire souffrir seule, vous tuez votre père à coups d’épingle. Il est temps de changer de système, si vous ne voulez être haïe de tout le monde, et rester vieille fille en dépit de vos vers et de vos écus. On vous gâte ici, on ménage votre amour-propre ; mais, moi, je vous dis que vous ne plaisez à personne, et que tout le monde a peur de vous, excepté moi qui vous ai vue naître et qui me moque de vos malices. Ainsi donc, rentrez en vous-même, changez ; et, dans votre intérêt, si vous ne pouvez pas être bonne, tâchez au moins d’agir comme si vous l’étiez ; ça viendra peut-être par la crainte du monde et par l’habitude ; autrement… souvenez-vous de ce que je vous dis !… Le mal que vous ferez retombera sur votre tête, et moi qui vous aime et vous plains encore, à cause de vos parents, je deviendrai votre ennemi implacable et ferai hautement connaître le serpent qui mord ici tout le monde.