Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/357

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— Vous m’avez demandé la main d’Éveline ? dit Dutertre frappé de surprise.

— Oui, et vous ne m’avez pas compris. Vous avez cru que je faisais allusion à la lettre. Vous m’avez répondu assez durement, d’une manière blessante même. Je n’ai pas compris non plus. Je me suis cru refusé, offensé, et je me suis abstenu de reparaître chez vous. Ce soir seulement, j’ai eu l’explication de votre conduite, et je venais vous apporter celle de la mienne. Flavien, qui s’intéresse vivement à mon bonheur, qui s’accusait de l’avoir troublé, à pris les devants. Il ne venait ici que pour vous exposer les motifs de ma retraite, et pour vous offrir d’autres explications que tous deux nous avons cru nécessaire de ne pas retarder davantage.

Dutertre sentit tout ce qu’il allait briser dans l’avenir de sa famille et dans le cœur d’Éveline, s’il hésitait à encourager les espérances de Thierray.

— Je vous donne ma fille si vous l’aimez et si elle vous aime, dit-il ; mais, avant tout, je dois un châtiment à l’homme qui a outragé ma femme par ses prétentions, et qui persiste encore sous mes yeux, en dépit de la lettre que vous venez de me faire lire, à la compromettre ouvertement par des assiduités insolentes et des ruses puérilement lâches.

— Nous y voilà, pensa Thierray. Il sait tout ce qui concerne sa femme, il ne sait rien de ce qui concerne sa fille ; j’en étais sûr : il faut tout confesser ou laisser ces deux hommes se couper la gorge. — Monsieur Dutertre, dit-il en lui prenant la main, et en la pressant avec effusion, vous venez de me dire des paroles qui me donnent le droit de vous parler, malgré le peu de distance que l’âge a mis entre nous, comme un fils parle à son père.