Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/389

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damner, qu’elle devint à mes yeux un problème des plus excitants pour mon esprit… le dirai-je ? pour mon cœur. Oui, après trois mois de l’atroce supplice que je lui infligeais en répondant à son amour par tous les témoignages de la haine, je me sentis fatigué, honteux, vaincu. Cette femme était tout l’opposé du type de faiblesse que j’aime ; car elle restait forte comme un lion dans son abaissement volontaire. Eh bien, ce caractère me pénétra par sa nouveauté, par sa bizarrerie. Il donnait une vaste carrière à mon orgueil, à mon despotisme, il en flattait les besoins, jusqu’alors inassouvis ; car, s’il est doux de posséder la douceur qui s’abandonne, il est beau de gouverner la force qui se livre.

» Enfin, par une réaction que j’aurais dû prévoir d’avance, tant elle est naturelle, j’eus des remords, de la pitié, du respect, de l’amour pour Nathalie. Je l’aimai beaucoup, mais sans jamais le lui dire. Je ne voulais être que son ami.

» Au moment où elle repartit pour la France et le Nivernais, je fus cependant violemment tenté de me jeter à ses pieds et de lui demander pardon. Je résistai ; mais je crois qu’elle vit mon trouble, et que, depuis ce jour-là, elle a espéré, elle a attendu.

» J’essayai de l’oublier, je ne l’oubliai pas. J’appris la perte que Dutertre avait faite de sa fortune ; dès lors, mon parti fut pris. Je lui avais fait tant mal, à lui ! Je lui devais au moins un nom sans tache et une fortune sans péril pour celle de ses filles qui était difficile, peut-être impossible à marier. J’ai attendu que la conversion sincère et durable de Nathalie me fût attestée par le temps. Je viens d’en recevoir de toi l’assurance, et, comme autrefois je m’étais voulu charger de demander pour toi à Dutertre la main d’Éveline, je te charge aujourd’hui de le pressen-