Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/78

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Ici, le groom, qui, tenant les chevaux en main, n’avait pas eu l’air d’entendre un mot, trouva la conversation agréable, et partit d’un rire qui fendit sa bouche jusqu’aux oreilles.

— C’est le page de mademoiselle Éveline, dit Thierray à Flavien. La jeune lionne s’en mêle aussi, puisqu’elle te cède cette pièce de sa ménagerie.

— Comment t’appelles-tu ? dit Flavien au groom.

— Créjusse, monsieur, répondit-il avec aplomb.

— C’est un nom du pays ?

— Non, monsieur, c’est un sobriquet que Madame m’a donné comme ça.

— Un sobriquet ! Créjusse ! Je ne comprends pas, dit Thierray.

— C’est, repartit le groom, un jour que je disais comme ça à Madame, qui m’augmentait mon gage : « Merci, madame ; à présent, me voilà riche comme un créjusse. » Alors Madame m’appelle toujours de ce nom-là, et tout le monde en a pris l’habitude.

— Très-bien, dit Flavien, vous me paraissez un garçon de beaucoup d’esprit, monsieur Crésus. Écoutez ceci : je vous donne tout de suite cinq louis, si vous me dites ce qu’il pourrait se trouver, par hasard, d’agréable aux dames de Puy-Verdon dans ma maison ou dans ma propriété, outre la propriété elle-même.

Le groom ne parut ni trop ébloui ni trop déconcerté. C’était un petit paysan morvandiot, têtu et résolu. Il garda le silence un instant, puis il dit :

— Le mois dernier, ces dames sont venues se promener ici. Elles sont entrées dans le jardin ; elles se sont reposées dans la maison… Dites donc, père Gervais, je parie que vous ne savez pas à quoi elles ont fait attention, ces dames ! Vous y étiez, pourtant !