Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/91

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puissante et moins sublime pour n’avoir pas à son service toutes les puissances de la matière ?

Pendant que Thierray dissertait ainsi, Flavien, tout en l’écoutant avec un certain intérêt, versait la gratification à Crésus et donnait des ordres à Manette. Deux heures après, il était à la ville, où il bouleversait l’esprit positif du notaire en exigeant de lui la bizarre rédaction de l’acte qu’il était impatient d’envoyer à M. Dutertre sous forme de courtoise plaisanterie ; et Thierray, monté sur un des beaux chevaux détachés des écuries de Puy-Verdon, escortait au pas une charrette où le clavecin, soigneusement posé sur des matelas, cheminait vers Puy-Verdon, traîné par l’impassible César.

Thierray arriva à dix heures du matin, désireux de ne rencontrer aucune des dames Dutertre avant d’avoir pu installer le clavecin dans le salon. Invité à déjeuner dès la veille par Dutertre, il était parfaitement en règle vis-à-vis des bienséances. Dutertre était sorti avec sa femme dans la campagne. Éveline et Nathalie, réparant le déficit qu’une longue veillée avait apporté dans leur repos, dormaient encore. Benjamine, levée depuis longtemps, avait été soigner la volière. Thierray se trouva seul dans la cour avec la figure sérieuse et légèrement étonnée d’Amédée Dutertre.

Après avoir écouté l’explication nécessaire, Amédée, souple et robuste, malgré l’apparente délicatesse de son organisation, mit bas son habit, passa une blouse, sauta sur la charrette, enleva les matelas, et, ne voulant pas se fier aux mains rudes des serviteurs, aida Thierray à transporter jusqu’au salon l’instrument volumineux, mais léger, sans faire une égratignure aux vernis merveilleusement intacts que Thierray avait eu soin d’envelopper de vieux numéros de la Quotidienne,