Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/93

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doit estimer. Mais cette mélancolie n’est peut-être qu’une affaire de tempérament.

Il jeta un coup d’œil sur l’intérieur du pavillon carré qu’habitait son jeune hôte ; il était, conformément à l’opulence de la famille, aussi richement décoré et meublé que possible chez un jeune homme modeste et laborieux. Mais on devinait une sorte d’effort pour s’abstenir des jouissances d’un luxe qui ne lui appartenait pas. Amédée n’avait rien. Son père n’avait pas fait de bonnes affaires. Il était mort endetté. Dutertre avait tout payé ; il avait élevé l’orphelin avec soin, avec tendresse, mais dans des tendances au but sérieux du travail. Amédée n’apportait donc que son travail dans le budget de la famille, travail intelligent, assidu, dévoué, mais qu’il ne considérait que comme l’acquit d’une dette sacrée, et en retour duquel il ne voulait accepter que le nécessaire. Ce nécessaire, dans les habitudes somptueuses au niveau desquelles il fallait bien se tenir un peu, eût été le superflu pour Thierray, qui était fort gêné, voulant mener la vie d’un homme du monde, et ne trouvant pas encore dans son talent les ressources nécessaires. Aussi, au premier abord, fut-il tenté de faire compliment à Amédée du bien-être dont il paraissait jouir ; mais tout aussitôt il devina que ces félicitations ne lui seraient pas agréables.

À quoi, entre autres choses, le devina-t-il ? À un morceau de gros savon-ponce que lui offrit le jeune homme pour se laver les mains. Le savon de l’ouvrier sur la tablette de marbre blanc d’une toilette garnie de porcelaines de Saxe ! tout est révélation pour l’observateur attentif. Ce faible indice en disait assez. La toilette faisait partie du mobilier abondant et superbe de la maison. Le savon rentrait dans la dépense personnelle et journalière d’Amédée. Du savon pierreux à de si belles mains ! Il y