Page:Sand - Nanon, 1872.djvu/143

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qu’il se montait la tête, je me la montais aussi, et, quand il eut fini, je ne trouvai rien à lui répondre.

— Tu me désapprouves ? reprit-il, à quoi songes-tu ?

— Je songe à Louise, lui répondis-je. Je voudrais la suivre partout pour vous tranquilliser ; mais, si je quitte M. le prieur, qui le soignera ?

Il m’embrassa de toute sa force.

— Tu penses à ceux qui restent, s’écria-t-il ; donc, tu me vois partir sans te désespérer ! Tu comprends mon devoir : tu es un brave cœur ! À présent, oui, songeons à Louise et à notre vieux ami. Il faut tâcher que tous deux restent ensemble, soit au prieuré, soit dans la famille de Costejoux, qui, étant attaché au gouvernement, doit être tout-puissant désormais dans sa province. C’est de cela que je veux lui parler, et j’irai le plus tôt possible.

Le lendemain, il fit son petit paquet, qu’il mit au bout d’un bâton sur son épaule, et s’en alla à pied à Limoges, nous promettant de revenir nous faire ses adieux avant de partir pour l’armée. J’étais bien triste, mais j’avais du courage. Je ne prévoyais pas pour lui un danger immédiat.

Je le suivrai dans son voyage, car ce qui lui arriva est plus intéressant que le chagrin contre lequel je me débattais en attendant son retour. Dumont avait voulu l’accompagner, c’est par lui que j’ai su une partie des détails. Ce brave homme avait placé toutes ses économies chez M. Costejoux, dont le frère était banquier. Il voulait, sans en rien dire d’avance à Émilien, faire un testament en sa faveur. Cette idée lui était venue après un accident qui lui arriva dans l’ivresse et auquel