les gens qui n’ont point de famille ne sachent pas tirer bon parti de leur avoir. J’ai vu des vieux garçons entasser leurs écus en se privant de tout et mourir sans avoir songé à faire leur testament, comme s’ils n’avaient jamais aimé ni eux ni les autres. J’en ai vu aussi qui se laissaient piller pour avoir la paix et non pour faire le bien ; mais j’ai vu surtout ces derniers moines, et je vous assure qu’ils n’avaient aucun esprit d’aménagement. Ils ne songeaient ni à la famille qu’ils ne devaient point avoir, ni à l’avenir de leur communauté dont ils ne pouvaient avoir aucun souci. Ils ne se souciaient pas non plus du bon rendement de la terre et des soins qu’elle mérite. Ils vivaient au jour le jour comme des voyageurs dans un campement, faisant trop de culture sur un point, pas assez sur un autre, épuisant le sol qui se trouvait à leur convenance, négligeant celui qu’ils ne pouvaient pas ou ne savaient pas surveiller. Ils avaient dans le pays de plaine de grands étangs qu’ils auraient bien pu dessécher et ensemencer ; mais il aurait fallu acheter du poisson pour leur carême et ils trouvaient plus commode de le faire prendre chez eux. Ils avaient beaucoup de paresse et coupaient le bois qui se trouvait dans leur voisinage, laissant détériorer tout le reste. On les pillait beaucoup, et ils eussent rendu service au pauvre monde en lui apprenant l’honnêteté et en ne souffrant pas la paresse, qui rend voleur. Ils étaient trop indolents ou trop craintifs, ils ne disaient rien.
Il faut dire aussi que le temps ne leur était pas bien commode pour se faire respecter. Les gens de chez nous n’avaient pas à se plaindre de ces moines, qui n’étaient, pour la plupart, ni bons, ni méchants, qui