Page:Sand - Nanon, 1872.djvu/223

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Bah ! bah ! ils font semblant de chercher, ils n’oseraient trouver ! Depuis que M. Millard de Crevant a fait couper la tête aux Bigut, on se le montre au doigt, et il craint le temps où les royalistes se _revengeront. _Il n’est plus si fier, il dit que tout va bien chez nous, que nous sommes tous bons patriotes, et on nous laisse tranquilles.

— Vous croyez donc que la République ne tiendra pas ? En savez-vous quelques nouvelles ?

— J’ai été aux forges de Crozon l’autre semaine ; ils disent qu’on a fait périr la reine et beaucoup d’autres. Vous voyez bien que ça ne peut pas durer, et que les émigrés feront périr tous les jacobins.

— Eh bien, oui ; mais les ennemis, qu’est-ce qu’ils feront à nous, bonnes gens, qui n’avons tué personne ? ils nous ravageront comme loups dans un troupeau ?

— Oh ! alors, on se battra comme il faut ! on défendra ce qu’on a !

Dumont eut envie de lui dire qu’il vaudrait mieux les empêcher d’arriver que de les attendre ; mais il était sage de n’avoir pas d’opinion politique à mettre en circulation : il quitta le carrier et vint nous rendre compte de sa conversation avec lui.

La mort de la reine fut ce qui me frappa le plus dans la Révolution.

— Pourquoi faire mourir une femme ? disais-je, quel mal peut-elle avoir fait ? N’était-ce pas à elle d’obéir à son mari et de penser comme lui ?

Émilien me répondait que c’est souvent le mari qui obéit à la femme.

— Quand la femme voit plus juste, disait-il, c’est un bien, et je crois que celui qui t’épousera aura