Page:Sand - Nanon, 1872.djvu/235

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comme une source toujours pleine dont on n’aperçoit jamais le fond. Je ne mérite d’en être l’objet que par la reconnaissance que j’en ai. Ce sentiment sera aussi une source qui ne tarira pas, et, puisque ta récompense sera de me voir heureux, je gouvernerai mon esprit et mon caractère de façon à te contenter. Je veux être persévérant comme toi et me rendre si sage et si bon, qu’en voulant savoir ce que je pense et ce que je suis, tu n’aies qu’à regarder en toi-même.

En me parlant ainsi, Émilien se promenait avec moi sous ces châtaigniers reverdis qui couvraient de leur ombre encore claire des tapis d’herbe nouvelle toute remplie de fleurs. Il connaissait plusieurs de ces plantes, il les avait un peu étudiées avec le prieur, et, sachant qu’il les aimait, je lui avais apporté du moutier son petit livre de botanique. Il m’enseignait à mesure qu’il apprenait à en connaître de nouvelles, et l’île aux Fades en était si riche, que nous avions de quoi nous instruire. Nous apprenions à les trouver aussi jolies qu’elles sont, car on ne s’aperçoit de la beauté des choses que par l’examen et la comparaison. Et puis ce singulier pays, qui d’abord nous avait plus étonnés que charmés, se révélait à nous avec le printemps, et, qui sait ? peut-être aussi avec le contentement que nous avions d’y être ensemble et de nous aimer chaque jour davantage.