Page:Sand - Nanon, 1872.djvu/242

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demandé le chemin de sa maison. Ils ont bien examiné la nôtre, mais ils n’y pouvaient rien trouver qui ne convînt à de véritables paysans, sauf les livres que j’avais cachés en les voyant venir. En comptant trois lits, ils m’ont demandé le sexe et l’âge de mes enfants. J’ai fait les réponses convenues et ils n’ont pas insisté. Ils n’avaient aucun ordre en ce qui nous concerne ; et même ils ne m’ont pas paru fort pressés d’exécuter ceux qui concernent les réfractaires signalés à leurs perquisitions. Ils ne sont pas rassurés d’avoir à parcourir ce_ _pays sauvage, et, comme je leur ai donné des indications fausses, ils vont s’y égarer de plus en plus. N’importe, il faut qu’Émilien tienne sa jambe de bois toute prête et ne s’éloigne plus tant de la maison.

— J’ai honte et horreur de ce mensonge, dit Émilien ; mais, à cause de vous, je m’y soumettrai encore. Dis-nous donc si tu as pu savoir d’eux quelque nouvelle.

— Ils ont dit qu’on _vidait les prisons _dans les grandes villes, c’est-à-dire qu’on envoie tous les prisonniers à l’échafaud. À présent, cela se fait avec beaucoup d’ordre, disent-ils. Il n’y a plus besoin de procédure ni de preuves. Un accusateur suffit et le premier juge venu prononce. Cependant le Berry et la Marche sont tranquilles. On n’y est pas méchant, on ne dénonce plus, on n’a fait mourir personne depuis le pauvre prêtre que personne n’a osé réclamer. La misère est si grande, qu’on n’a plus le courage de se haïr, et la peur empêche les disputes. Voilà ce que j’ai pu comprendre, car ces hommes n’étaient guère bien renseignés et je ne voulais pas paraître curieux.

Quand je_ _me trouvai seule avec Dumont, il me dit