la mettront chez eux, en fourrière, et mon grand-oncle sera forcé d’aller la redemander et d’endurer leurs reproches : et moi, il me grondera et me dira que je suis une vilaine comme les autres, ce qui me fera beaucoup de peine.
— Je vois que tu es une enfant bien élevée. Où donc demeure-t-il, ton grand-oncle ?
— Là-haut, la plus petite maison à la moitié du ravin. La voyez-vous ? celle après les trois gros châtaigniers ?
— C’est bien, je te conduirai ton mouton quand il aura assez mangé.
— Mais si les moines vous grondent ?
— Ils ne me gronderont pas. Je leur expliquerai leur devoir.
— Vous êtes donc maître chez eux ?
— Moi ? pas du tout. Je ne suis rien qu’un élève. On m’a confié à eux pour être instruit et pour me préparer à être religieux quand je serai en âge.
— Et quand est-ce que vous serez en âge ?
— Dans deux ou trois ans. J’en ai bientôt seize.
— Alors, vous êtes novice, comme on dit ?
— Pas encore, je ne suis ici que depuis deux jours.
— C’est donc ça que je ne vous ai jamais vu ? Et de quel pays êtes-vous ?
— Je suis de ce pays ; as-tu entendu parler de la famille et du château de Franqueville ?
— Ma foi, non. Je ne connais que le pays de Valcreux. Est-ce que vos parents sont pauvres, pour vous renvoyer comme ça d’avec eux ?
— Mes parents sont très riches ; mais nous sommes trois enfants, et, comme ils ne veulent pas diviser leur