Page:Sand - Nanon, 1872.djvu/278

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pas même idée, nous faisons rendre à la terre tout ce qu’elle peut rendre. Donc, en vous payant un intérêt de deux pour cent, j’aurai encore de quoi amasser pour vous payer le capital. Ainsi l’affaire est bonne pour nous deux et la voilà conclue.

— Il faut pourtant nous occuper du prieur, reprit M. Costejoux ; le pauvre homme ne peut plus rien faire et ne saurait vivre ailleurs que dans un couvent. Je pense bien que vous voudrez l’y garder ; mais son entretien…

— Oh ! je m’en charge ! N’en ayez aucun souci !

— Ma chère Nanette, c’est encore une dépense pour vous. Si nous consacrions à cela les intérêts que vous comptez me servir ?

— Ce n’est pas nécessaire.

— Mais ce serait utile. Vous commencez avec rien une grosse entreprise…

— Si je la commençais avec un père infirme, il me faudrait bien le faire entrer en ligne de compte dans mes dépenses, et je prendrais sur ma nourriture s’il le fallait, pour assurer la sienne, ce qui serait tout simple pour moi comme pour bien d’autres.

— Mais, moi, j’ai bien le droit de considérer aussi le prieur comme un vieux parent infirme dont j’ai le devoir de m’occuper. Voyons, ma brave Nanette, nous nous partagerons le plaisir. Vous ne me payerez l’intérêt qu’à raison d’un pour cent, tant que vivra le prieur ; je le veux ainsi, et voilà qui est convenu en dernier ressort.

Il fut convenu en outre que notre marché serait tenu secret. Je ne voulus même pas en faire part au prieur, dont la fierté se fût peut-être révolté