Page:Sand - Nanon, 1872.djvu/327

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m’ennuie à mourir, je te dis, et, quand Costejoux vient nous voir, je m’éveille, je discute, je pense, je vis. Je prends cela pour de l’attachement : qui sait si tout autre ne m’en inspirerait pas autant, dans l’état d’esprit où je me trouve ?

— Si vous me demandez conseil, Louise, il faut écouter votre cœur et sacrifier votre orgueil, voilà ce que je pense.

M. Costejoux mérite d’être aimé, ce n’est pas un homme ordinaire.

— Tu n’en sais rien ! Tu connais le monde et les hommes encore moins que moi.

— Mais je les devine mieux que vous. Je sens dans M. Costejoux un grand cœur et un grand esprit. Tous ceux qui me parlent de lui me confirment dans mon idée.

— Il passe pour un homme supérieur, je le sais. Si j’étais sûre qu’il le fût réellement !… mais non, cela ne m’absoudrait pas ; je ne dois pas épouser l’ennemi de ma race. Promets-moi de me donner asile, et, le lendemain de ton mariage avec mon frère, je me sauverai d’ici pour aller chez vous.

— Je n’ai rien à vous promettre, moi. Émilien, s’il est mon mari, sera mon maître et je serai contente de lui obéir. Vous savez bien qu ’il sera heureux de vous avoir avec lui. Soyez donc tranquille de ce côté-là, et, à présent que vous êtes sûre d’être libre dans l’avenir, songez au présent sans prévention. Voyez comme vous êtes aimée, gâtée, et comme vous seriez heureuse si vous aviez l’esprit de l’être.

— Tu as peut-être raison, répondit-elle. Je réfléchirai encore, Nanon, mais donne-moi ta parole de ne pas dire à Costejoux que je l’aime.