Page:Sand - Nanon, 1872.djvu/46

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et les maisons vides. Ils ne s’y arrêteraient point et courraient au moutier.

La nuit venue, Jacques et lui se décidèrent à descendre le ravin et à aller frapper à la porte du couvent ; mais elle avait été fermée tout le jour, elle l’était encore et il fut impossible de se la faire ouvrir. Personne même ne vint parlementer à travers le guichet. On eût dit que le moutier était désert.

— Vous voyez bien, disait Jacques en revenant, qu’ils ne veulent recevoir personne. Ils savent qu’on ne les aime point. Ils ont autant peur de leurs paroissiens que des brigands.

— M’est avis, disait mon oncle, qu’ils se sont cachés dans les souterrains et que, de là, ils ne peuvent rien entendre.

— Je m’étonne, dit Pierre, que le petit frère se soit caché comme ça avec eux. Il n’est pas craintif, lui, et j’aurais cru qu’il viendrait nous défendre, ou qu’il nous ferait entrer avec lui dans le moutier.

— Ton petit frère est aussi capon qu’eux, dit Jacques, sans songer à se rendre cette justice qu’il avait tout aussi peur que qui que ce soit.

Mon grand-oncle eut alors l’idée de s’informer si, dans les environs, on avait quelques nouvelles et si on avait pris quelques dispositions contre le danger commun. Il repartit avec Jacques, tous deux pieds nus, et suivant l’ombre des buissons comme s’ils eussent été eux-mêmes des brigands méditant quelque mauvais coup.

Nous restions seuls, Pierre et moi, avec l’injonction de nous tenir sur le pas de la porte, l’oreille au guet, prêts à fuir, si nous entendions quelque mauvais bruit.