Page:Sand - Narcisse, 1884.djvu/115

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

malheureux, isolé sur la terre, découragé de la vie.

» Je l’engageai alors à s’expliquer tout de suite et en peu de mots. Cela lui était impossible. Il avait des aveux embarrassants à faire. Je n’osais rester un instant de plus dans ce jardin où l’on pouvait nous surprendre. Je ne sus pas lui refuser de l’entendre, mais je l’avertis que ce serait la dernière fois. Il s’engagea à ne plus jamais m’importuner, si, après l’avoir écouté, je le jugeais incapable de réhabilitation. Mais, comme je ne pouvais le recevoir au couvent, après l’espèce de petit scandale qu’il avait fait à la porte, et dont mes religieuses s’étaient alarmées, je promis de revenir dans ce même jardin où nous venions de nous rencontrer, pourvu que ce fût à une heure où personne n’avait l’habitude d’y entrer. Il prétendait connaître parfaitement les habitudes de cette localité. Il la voyait, disait-il, à toute heure, en se balançant avec une corde de gymnastique, le long d’un pilastre qui fermait de ce côté la tonnelle des comédiens. Il savait que personne n’y entrait la nuit. Je refusai d’y venir la nuit. Il me proposa le matin, m’assurant que, d’ailleurs, en m’asseyant sur des planches qui se trouvaient là derrière le chèvrefeuille, je ne pouvais être vue de personne.

» Je trouvai tout cela romanesque et ridicule ; je m’y refusai. Il me menaça alors sérieusement de se tuer si je n’écoutais le secret qu’il avait à me confier et d’où dé-