Page:Sand - Narcisse, 1884.djvu/136

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digne. Elle était plus pâle que de coutume ; mais son regard avait la sérénité des âmes habituées à tous les genres de sacrifices.

Julia la regarda aussi, pour la première fois, avec une certaine attention.

— C’est donc là, dit-elle, après un silence moitié ému, moitié insultant, mademoiselle d’Estorade ? Eh bien, je la croyais affreuse, et elle ne l’est pas. On m’a trompée… On m’a dit qu’elle était toute déjetée, et elle-même, à ce qu’on prétend, se fait passer pour bossue, depuis qu’elle ne se montre plus dans la ville. Pourquoi toutes ces histoires-là ? Elle n’est ni vilaine ni contrefaite, et ces petites femmes minces, ça fait des caprices, et, à ce qu’on dit, des fureurs. On m’a menti, on m’a menti ! Ce n’est pas là une vieille petite maman qu’on ne peut pas regarder sans rire. C’est une vieille demoiselle mal attifée et qui fait la béguine et la prude, mais qui peut bien encore avoir le diable au corps et monter la tête à un fou comme…

— Avez-vous bientôt fini ? dit Narcisse en frappant du poing sur la table.

— Laissez-la dire, reprit mademoiselle d’Estorade ; tout cela m’est indifférent. J’attends le résultat de cette divagation.

Je calmai Narcisse, qui avait envie de jeter Julia à la porte. Selon moi, mademoiselle d’Estorade prenait le