Page:Sand - Narcisse, 1884.djvu/142

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la fenêtre ouverte, tandis que mademoiselle d’Estorade lui prodiguait ses soins. Narcisse, toujours méfiant, craignait que Julia ne fît cette scène pour attirer les domestiques et faire scandale dans la maison. Mais la pauvre fille était vraiment en proie à une crise de nerfs. Elle étouffa ses cris dans ses cheveux dénoués, et fit son possible pour comprendre ce que nous lui disions, mademoiselle d’Estorade et moi, pour la calmer, tandis que Narcisse fermait les portes et remuait les chaises pour que, de la cour, on n’entendît pas même ses soupirs et ses sanglots.

Au bout de quelques instants, elle s’apaisa, et, voyant que mademoiselle d’Estorade la soutenait dans ses bras avec la même sollicitude calme et attentive qu’elle eût témoignée à toute autre malade, Julia fut dominée par un grand attendrissement. Ses larmes coulèrent, et elle demanda pardon avec effusion.

— Ayez pitié de moi, disait-elle à mademoiselle d’Estorade en lui baisant les mains ; ne me haïssez pas ; je suis folle, je suis méchante, c’est vrai. Je vous ai insultée, vous si bonne et si charitable ; que voulez-vous ! j’ai cru que vous étiez une Tartufe, une Catherine de Médicis ! Je n’ai pas compris, que voulez-vous ! J’ai été si mal élevée, perdue si jeune ! Ah ! si vous saviez mon histoire ! mais je n’oserais pas vous la raconter… Plaignez-moi ! Ne me chassez pas sans m’avoir pardonné… ou