Page:Sand - Narcisse, 1884.djvu/167

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demoiselle d’Estorade avait-elle douté de moi au point de ne pas me confier plus tôt la vérité ?

» Elle m’apprit alors tout ce qui s’était passé : comment l’homme qui devait épouser Louise et qui s’était dédit, par intérêt, avait de nouveau refusé de revenir à elle en apprenant sa position. Mademoiselle d’Estorade, qui était alors en Touraine, avait reçu, par lettre, la confession de ma pauvre sœur ! Elle lui avait fourni les moyens et le prétexte de venir la voir, de s’établir ensuite à Saumur, chez une personne de confiance, et d’y cacher son malheureux état… Les précautions avaient été si bien prises, (avec de l’argent on vient à bout de tout !) que nous n’avions rien su. Nous nous imaginions qu’elle était là-bas, un peu malade de chagrin de son mariage manqué, et qu’elle y voulait rester quelque temps, comme elle l’écrivait, pour tâcher d’oublier son humiliation et sa peine. Elle y est morte quelques jours après avoir mis au monde cette pauvre petite, que Juliette a mise en nourrice à Estorade, et à laquelle sa résolution était déjà prise de sacrifier sa jeunesse et son avenir ; car c’était l’époque de sa majorité ; et, quand elle nous a dit, en nous faisant lire son histoire, qu’elle avait quitté le monde pour remplir des devoirs, elle a parlé des enfants pauvres, des orphelins en général ; elle ne nous a pas dit que son plus sérieux motif était d’élever ma nièce comme si c’eût été sa propre fille ; et, comme elle veut lui léguer la