Page:Sand - Narcisse, 1884.djvu/206

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pour que je n’aie pas l’air d’une prude. Nous n’y faisions pas tant de façons du temps que nous avions l’âge de ces enfants !

Narcisse ne s’attendait pas à cette avance. Il se troubla si complétement, qu’il fût devenu très-ridicule, sans mon intervention. Je poussai une table de jeu qui tomba avec deux flambeaux ; les femmes, surprises par ce fracas, crièrent. On crut que je m’étais fait mal ; le jeu fut interrompu et l’incident oublié.

Peu d’instants après, Juliette se retira. Je la suivis, et, la rejoignant dans la rue, je la priai de me recevoir sur l’heure au couvent, pour affaire pressante.

Je ne voulais pas remettre au lendemain l’explication. Je craignais que le hasard ne lui fît rencontrer Albany dans la ville, avant d’être informée du motif de sa présence.

Dès que Sylvie fut couchée, je m’acquittai de ma mission, d’abord avec ménagement, et bientôt avec toute franchise, car mademoiselle d’Estorade ne manifestait d’autre émotion qu’un peu de surprise et de curiosité.

Mais, quand je lui eus rapporté les termes dont Albany se servait pour qualifier l’intérêt qu’elle lui avait témoigné, elle retrouva ce visage froid et ce sourcil contracté que je lui avais déjà vus une fois.

— Voilà qui est ridicule et misérable ! dit-elle en m’interrompant avec une certaine impatience ; vous me don-