Page:Sand - Narcisse, 1884.djvu/229

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vue et ne pas trahir notre présence par un mouvement quelconque.

Nous comptâmes ainsi, tous les trois, les quarts et demi-quarts d’heure sonnés par l’horloge des Sœurs bleues. Étrange similitude d’angoisses entre Narcisse et Albany, l’un attendant que la porte du couvent s’ouvrît, l’autre craignant qu’elle ne vînt à s’ouvrir !

Quand deux heures sonnèrent, Albany parut perdre patience. Il alla essayer d’ouvrir cette inflexible porte de l’enclos des religieuses. Narcisse voulut alors s’élancer sur lui. Je le retins. La porte était bien verrouillée en dedans. Elle résista à quelques tentatives d’Albany, lequel pourtant y mit des précautions, puis revint dans l’allée, et marcha encore en frappant des pieds pour se réchauffer. L’horloge de la ville sonna le quart après deux heures, puis celle du couvent, qui retardait de trois minutes. Il paraît qu’Albany venait d’accorder à Juliette le quart d’heure de grâce, car nous l’entendîmes maudire, d’un mot énergique, le moment qui mettait fin à son espérance, et retourner vers la terrasse pour recommencer son ancienne escalade par la tonnelle des comédiens. Comment il avait pu pénétrer dans le jardin de la maison de ville, c’est ce que nous n’avons jamais su. Il devait avoir mis le concierge dans sa confidence.

C’était le moment d’agir. Narcisse voulut bien comprendre qu’après les soupçons manifestés au docteur par