Page:Sand - Narcisse, 1884.djvu/264

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— Elle veut absolument vous parler, me dit-il, je voulais vous envoyer un exprès.

— Et comment va-t-elle ?

— Mal.

— Narcisse le sait ?

— Peut-être ; il ne dit rien.

— Et elle-même ?

— Elle a l’air de ne pas s’en douter.

Je trouvai, cette fois, Juliette effrayante de maigreur et de faiblesse. Elle ne quittait plus sa chambre ; mais, ne pouvant supporter le lit, elle était à demi étendue sur une chaise longue. Narcisse était auprès d’elle, rempli d’enjouement et de sérénité. Il s’était promis de ne pas lui montrer ses craintes. Il se dominait lui-même d’une manière inouïe. Pourtant son caractère n’avait ni les habitudes ni les instincts du stoïcisme, mais son amour avait les principes et la religion du courage à toute épreuve.

Juliette voulait être seule avec moi.

— Mon ami, me dit-elle, le curé sort d’ici. Je me suis confessée en cachette de nos amis, et il m’a promis de venir demain pour m’administrer. Je voudrais donc que, demain, vous eussiez un prétexte pour emmener Narcisse dans la campagne. Au bout de deux heures, vous pourrez le ramener, et, comme il verra que je ne suis pas plus mal qu’aujourd’hui, il ne s’affectera pas trop de ce qui, aujourd’hui, lui ferait l’effet d’un éternel adieu.