Page:Sand - Narcisse, 1884.djvu/99

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j’adore les enfants ! Je devais, je voulus servir de mère à des orphelins.

» Il y eut un grand combat dans ma famille pour me retenir. Je ne cédai point. Je vins ici revoir ces lieux tout parfumés du souvenir de ma mère ; puis je m’occupai de la fondation de l’établissement que je dirige, et, jusqu’à ce jour, j’y ai donné tous mes soins… »

— Et vous y avez trouvé le bonheur ? dit Narcisse à mademoiselle d’Estorade, en interrompant, malgré lui, ma lecture.

— Le bonheur, n’est-ce pas ce que je cherchais ? répondit-elle avec douceur et tranquillité. Il s’agissait, non pas de me satisfaire, mais de m’utiliser.

Elle me fit signe de poursuivre, mais en se détournant un peu, comme si ce qui allait suivre eût dû lui causer quelque confusion.

Je repris son récit :

« Je menais depuis six ans cette vie régulière, sans vouloir m’asservir à la profession religieuse, et sans vouloir même y songer avant l’âge que ma mère avait fixé pour ma liberté sur ce point, lorsque, l’année dernière, comme j’étais venue à Estorade pour renouveler le bail de mes vieux fermiers, je fus surprise par une rencontre imprévue.

» La soirée s’avançait, et j’étais seule au château, dans ma chambre, perdue dans la contemplation d’un beau