Page:Sand - Nouvelles (1867).djvu/134

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aurait dérangé le calendrier, et ma fête, que je croyais passée il y a six mois, tomberait-elle aujourd’hui ?

Puis, s’adressant à d’autres qui n’étaient presque jamais venues chez elle, elle poussait la malice jusqu’à leur dire en face et tout haut :

— Ah ! vous faites comme moi, vous faites taire vos scrupules de conscience, et vous venez, malgré vous, rendre hommage au talent ? C’est toujours ainsi, voyez-vous ; l’esprit triomphe toujours, et de tout. Vous avez bien blâmé mademoiselle S… de s’être mise au théâtre ; vous avez fait comme moi, vous dis-je, vous avez trouvé cela révoltant, affreux ! Eh bien, vous voilà toutes à ses pieds ! Vous ne direz pas le contraire, car enfin je ne crois pas être devenue tout à coup assez aimable et assez jolie pour que l’on vienne en foule jouir de ma société.

Quand à Pauline, elle fut du commencement à la fin admirable pour son amie. Elle ne rougit point d’elle un seul instant, et bravant, avec un courage héroïque en province, le blâme qu’on s’apprêtait à déverser sur elle, elle prit franchement le parti d’être en public à l’égard de Laurence ce qu’elle était en particulier. Elle l’accabla de soins, de prévenances, de respects même ; elle plaça elle-même un tabouret sous ses pieds, elle lui présenta elle-même le plateau de rafraîchissements ; puis elle répondit par un baiser plein d’effusion à son baiser de remercîment ; et, quand elle se rassit auprès d’elle, elle tint sa main enlacée à la sienne toute la soirée sur le bras du fauteuil.

Ce rôle était beau sans doute, et la présence de Laurence opérait des miracles, car un tel courage eût épouvanté Pauline si on lui en eût annoncé la nécessité la veille ; et maintenant il lui coûtait si peu, qu’elle s’en étonnait elle-même. Si elle eût pu descendre au fond de