Page:Sand - Nouvelles (1867).djvu/153

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IV

Parmi les jeunes gens qui se posaient en adorateurs de Laurence, il y avait un certain Montgenays, qui faisait des vers et de la prose pour son plaisir, mais qui, soit modestie, soit dédain, ne s’avouait point homme de lettres. Il avait de l’esprit, beaucoup d’usage du monde, quelque instruction et une sorte de talent. Fils d’un banquier, il avait hérité d’une fortune considérable, et ne songeait point à l’augmenter, mais ne se mettait guère en peine d’en faire un usage plus noble que d’acheter des chevaux, d’avoir des loges aux théâtres, de bons dîners chez lui, de beaux meubles, des tableaux et des dettes. Quoique ce ne fût ni un grand esprit ni un grand cœur, il faut dire à son excuse qu’il était beaucoup moins frivole et moins ignare que ne le sont pour la plupart les jeunes gens riches de ce temps-ci. C’était un homme sans principes, mais, par convenance, ennemi du scandale ; passablement corrompu, mais élégant dans ses mœurs, toutes mauvaises qu’elles étaient ; capable de faire le mal par occasion et non par goût ; sceptique par éducation, par habitude et par ton ; porté aux vices du monde par manque de bons principes et de bons exemples, plus que par nature et par choix ; du reste, critique intelligent, écrivain pur, causeur agréable, connaisseur et dilettante dans toutes les branches des beaux-arts, protecteur avec grâce, sachant et faisant un peu de tout ; voyant la meilleure compagnie sans ostentation, et fréquentant la mauvaise sans effronterie ; consacrant une grande partie de sa fortune, non à secourir les artistes malheureux, mais à recevoir avec