Page:Sand - Nouvelles (1867).djvu/224

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dont les fenêtres sont abritées par le plafond des galeries, est occupé par les familles des boutiquiers ou par les cabinets des limonadiers ; seulement, l’affluence des consommateurs est telle, dans l’été, que les chaises et les petites tables obstruent le passage en dehors des cafés et couvrent la place Saint-Marc, où des tentes sont dressées à l’extérieur des galeries.

Timothée se trouvait donc à une de ces petites tables, précisément en face des fenêtres situées au-dessus de la boutique de Zacomo ; et, comme ses regards se portaient furtivement de ce côté, il aperçut dans une mitaine de soire noire un beau bras de femme qui semblait lui faire signe, mais qui se retira timidement avant qu’il eût pu s’en assurer. Ce manège ayant recommencé, Timothée, sans affectation, rapprocha sa petite table et sa chaise de la fenêtre mystérieuse. Alors ce qu’il avait prévu arriva ; une lettre tomba dans la corbeille où étaient ses macarons au girofle. Il la prit fort tranquillement et la cacha dans sa bourse, tout en remarquant l’anxiété de Loredana, qui à chaque instant s’approchait de la vitre du rez-de-chaussée pour l’observer ; mais elle n’avait rien vu. Timothée rentra dans la salle du café et lut le billet suivant ; il l’ouvrit sans façon, et ayant reçu une fois pour toutes de son maître l’autorisation de lire les lettres qui lui seraient adressées, et sachant bien, d’ailleurs, qu’Abul ne pourrait se passer de lui pour en comprendre le sens.

« Abul-Amet, je suis une pauvre fille opprimée et maltraitée ; je sais que votre vaisseau va mettre à la voile dans quelques jours ; voulez-vous me donner un petit coin pour que je me réfugie en Grèce ? Vous êtes bon et généreux, à ce qu’on dit ; vous me protégerez, vous me mettrez dans votre palais ; ma mère m’a dit