Page:Sand - Nouvelles (1867).djvu/238

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Pendant ce temps, Timothée, jaloux de tourmenter M. Spada, lui communiquait d’un air important les observations les plus futiles, et, chaque fois qu’il le voyait tourner la tête avec inquiétude pour regarder sa fille, il lui disait :

— Qui peut vous tourmenter ainsi, mon cher seigneur ? La signora Mattea n’est pas seule au café. N’est-elle pas sous la protection de mon maître, qui est l’homme le plus galant de l’Asie Mineure ? Soyez sûr que le temps ne semble pas trop long au noble Abul-Amet.

Ces réflexions malignes enfonçaient mille serpents dans l’âme bourrelée de Zacomo ; mais, en même temps, elles réveillaient la seule chance sur laquelle pût être fondé l’espoir d’acheter la soie blanche, et Zacomo se disait ;

— Allons, puisque la faute est faite, tâchons d’en profiter. Pourvu que ma femme ne le sache pas, tout sera facile à arranger et à réparer.

Il revenait alors à la supputation de ses intérêts.

— Mon cher Timothée, disait-il, sois sûr que ton maître a offert beaucoup trop de cette marchandise. Je connais bien celui qui en a offert deux mille sequins (c’était lui-même), et je te jure que c’était un prix honnête.

— Eh quoi ! répondait le jeune Grec, n’auriez-vous pas pris en considération la situation malheureuse d’un confrère, si c’était vous, je suppose, qui eussiez fait cette offre ?

— Ce n’est pas moi, Timothée ; je connais trop les bons procédés que je dois à l’estimable Amet pour aller jamais sur ses brisées dans un genre d’affaire qui le concerne exclusivement.

— Oh ! je le sais, reprit Timothée d’un air grave, vous ne vous écartez jamais en secret de la branche d’in-