Page:Sand - Nouvelles (1867).djvu/247

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— Retire-toi, mon ami, dit-il à Timothée, tu vois que je suis en bonne fortune.

— Mon maître, j’obéis, répliqua Timothée ; cette femme est-elle donc votre esclave ?

— Non pas mon esclave, mais ma maîtresse, comme on dit à la mode d’Italie ; du moins, elle va l’être, puisqu’elle vient me trouver. Elle m’avait parlé tantôt, mais je n’avais pas compris. Elle n’est pas mal.

— Vous la trouvez belle ? dit Timothée.

— Pas beaucoup, répondit Abul, elle est trop jeune et trop mince ; j’aimerais mieux sa mère, c’est une belle femme bien grasse. Mais il faut bien se contenter de ce qu’on trouve en pays étranger, et, d’ailleurs, ce serait manquer à l’hospitalité que de refuser à cette fille ce qu’elle désire.

— Et, si mon maître se trompait, reprit Timothée ; si cette fille était venue ici dans d’autres intentions ?

— En vérité, le crois-tu ?

— Ne vous a-t-elle rien dit ?

— Je ne comprends rien à ce qu’elle dit.

— Ses manières vous ont-elles prouvé son amour ?

— Non, mais elle était à genoux pendant que j’achevais ma prière.

— Est-elle restée à genoux quand vous vous êtes levé ?

— Non, elle s’est levée aussi.

— Eh bien, dit Timothée en lui-même en regardant la belle Mattea qui écoutait, toute pâle et tout interdite, cet entretien auquel elle n’entendait rien, pauvre insensée ! il est encore temps de te sauver de toi-même. — Mademoiselle, lui dit-il d’un ton un peu froid, que désirez-vous que je demande de votre part à mon maître ?

— Hélas ! je n’en sais rien, répondit Mattea fondant en larmes ; je demande asile et protection à qui voudra me l’accorder ; ne lui avez-vous pas traduit ma lettre de