Page:Sand - Nouvelles (1867).djvu/302

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par sa résignation et rétablie par l’air vif des montagnes, retrouva la fraîcheur et la santé qu’elle avait perdues. Ainsi qu’on voit, après les premières pluies de l’automne, recommencer une saison chaude et brillante, lady Mowbray entra dans son été de la Saint-Martin ; c’est ainsi que les villageois appellent les beaux jours de novembre. Elle redevint si belle, qu’elle espéra avec raison jouir encore de quelques années de bonheur et de gloire. Le monde ne lui donna pas de démenti, et l’heureux Olivier moins que personne.

Ils avaient fait ensemble le voyage de Venise, et, à la suite des fêtes du carnaval, ils s’apprêtaient à revenir à Genève, lorsque le comte de Buondelmonte, tiré à la remorque par sa princesse allemande, vint passer une semaine dans la ville des doges. La princesse Wilhelmine était jeune et vermeille ; mais, lorsqu’elle lui eut récité une assez grande quantité de phrases apprises par cœur dans ses livres favoris, elle rentra dans un pacifique silence dont elle ne sortit plus que pour redire ses apologues et ses sentences accoutumés. Le pauvre comte se repentait cruellement de son choix et commençait à craindre une luxation de la mâchoire s’il continuait à jouir de son bonheur, lorsqu’il vit passer dans une gondole Metella avec son jeune Olivier. Elle avait l’air d’une belle reine suivie de son page. La jalousie du comte se réveilla, et il rentra chez lui déterminé à passer son épée au travers de son rival. Heureusement pour lui ou pour Olivier, il fut saisi d’un accès de fièvre qui le retint au lit huit jours. Durant ce temps, la princesse Wilhelmine, scandalisée de l’entendre invoquer sans cesse dans son délire lady Mowbray, prit la route de Wurtemberg avec un chevalier d’industrie qui se donnait à Venise pour un prince grec, et qui, grâce à de fort belles moustaches noires et à un costume théâtral, passait