Page:Sand - Nouvelles (1867).djvu/335

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dans l’Inde, au nombre de deux : la veuve septuagénaire qui vivait indigente aux environs de Brest, et son fils Melchior Lockrist, qui venait d’obtenir une lieutenance dans la marine marchande.

Ce fut le curé de l’humble village de chaume où le puissant nabab avait vu le jour qui se chargea de lui faire parvenir ces renseignements.

Ce fut une lettre aux formes antiques et paternes, où perçaient, comme dit Goldsmith, l’orgueil du sacerdoce et l’humilité de l’homme ; une lettre toute pleine de timides reproches sur le long oubli où James avait laissé sa famille, d’exhortations communes et maladroites sur la vanité et le mauvais emploi des richesses, d’efforts délicats et chaleureux pour intéresser le nabab à ses pauvres parents.

Il y eut une période de cette lettre où M. Lockrist faillit la jeter avec colère et dédain, et une autre qui émut ses entrailles au point d’amener une larme dans le sillon formé par une ride sur sa joue sèche et safranée.

Et véritablement il était impossible de ne pas se prendre de compassion pour cette pauvre veuve que le curé montrait si pieuse et si pauvre ; de bienveillance pour ce jeune homme qui avait en pleurant quitté sa mère afin de lui être plus utile.

— Melchior, disait le bon curé, est le plus bel homme de la Bretagne, le plus brave marin de l’Océan, le meilleur fils que je connaisse.

Il ajoutait que ce hardi compagnon était en mer sur le navire Inkle-et-Yariko, frété pour l’archipel Indien, et il terminait en faisant des vœux pour que, dans les hasards de la navigation, l’oncle et le neveu vinssent à se rencontrer.

Une circonstance puissante vint donner une nouvelle