Page:Sand - Nouvelles (1867).djvu/343

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Allons trouver mon père ensemble, lui dit-elle ; je me charge de tout.

En les voyant arriver d’un air de bonne intelligence, le visage du nabab s’épanouit.

En trois mots et d’un air d’autorité enfantine, Jenny demanda le capital de six mille livres de rente pour la mère de Melchior.

— J’ai dit six cents, objecta le jeune homme.

— Et moi je dis six mille, reprit Jenny en riant. Pour nous, c’est une bagatelle, et croyez bien que mon père n’en restera pas là. Bientôt nous serons auprès de ma tante ; mais, auparavant, il faut que le premier navire qui mettra à la voile lui porte cette somme.

— Certainement, certainement, dit M. James, qui, en signant un bon sur une des premières maisons de commerce de Nantes, croyait dresser le contrat de mariage de sa fille avec Melchior ; bientôt nous serons tous réunis, et nous ne nous quitterons plus…

— Oh ! pour ma mère, dit Melchior en embrassant avec effusion son oncle, la bonne femme sera trop heureuse de passer le reste de ses jours avec vous… Quant à moi… je suis marin !…

— Hein ? hein ? dit le nabab en levant les yeux avec surprise.

Et, voyant l’air consterné de sa fille, il fronça le sourcil.

— Rappelez-vous, Melchior, dit-il d’un ton sévère, que je veux être obéi. Auriez-vous donc la fantaisie de former quelque établissement contre mon gré ?…

— Non pas que je sache, cher oncle, dit Melchior.

— Eh bien donc, reprit le nabab, rappelez-vous à quelle condition je signe cette donation en faveur de votre mère… vous ne vous marierez qu’avec ma permission.