Page:Sand - Nouvelles (1867).djvu/73

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qui tournoyaient sur sa tête dans l’air embrasé. Son compagnon, plus actif et plus insouciant, traversa la vallée, rendit des visites à tout le voisinage, guetta le passage des cavalcades sur la route de Gavarni, salua les belles ladies qu’il aperçut à leurs fenêtres ou sur les chemins, jeta de brillantes œillades aux jeunes Françaises, pour lesquelles il avait une préférence décidée, et vint enfin rejoindre Lionel à l’entrée de la nuit.

— Allons, debout, debout ! s’écria-t-il en pénétrant sous ses rideaux de serge ; voici l’heure du rendez-vous.

— Déjà ? dit Lionel, qui, grâce à la fraîcheur du soir, commençait à dormir d’un sommeil paisible ; quelle heure est-il donc, Henry ?

Henry répondit d’un ton emphatique :

At the close of the day when thc Hamlet is still
And nouglit but the torrent is lieard upon the hill…


— Ah ! pour Dieu, faites-moi grâce de vos citations, Henry ! Je vois bien que la nuit descend, que le silence gagne, que la voix du torrent nous arrive plus sonore et plus pure ; mais lady Lavinia ne m’attend qu’à neuf heures ; je puis peut-être dormir encore un peu.

— Non, pas une minute de plus, Lionel. Il faut nous rendre à pied à Saint-Sauveur ; car j’y ai fait conduire nos chevaux dès ce matin, et les pauvres animaux sont assez fatigués, sans compter ce qui leur reste à faire. Allons, habillez-vous. C’est bien. À dix heures, je serai à cheval, à la porte de lady Lavinia, tenant en main votre palefroi et prêt à vous offrir la bride, ni plus ni moins que notre grand William à la porte des théâtres, lorsqu’il était réduit à l’office de jockey, le grand homme ! Allons, Lionel, voici votre portemanteau, une cravate blanche, de la cire à moustache… Patience donc ! Oh !