Page:Sand - Nouvelles (1867).djvu/81

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pris toute l’aménité, toute la grâce caressante des Françaises. Sa peau brune était veloutée par l’effet d’une santé calme et raffermie ; son frêle corsage avait retrouvé la souplesse et la vivacité florissante de la jeunesse ; ses cheveux, qu’elle avait coupés jadis pour en faire un sacrifice à l’amour, se déployaient maintenant dans tout leur luxe en épaisses torsades sur son front lisse et uni ; sa toilette se composait d’une robe de mousseline de l’Inde et d’une touffe de bruyère blanche cueillie dans le ravin et mêlée à ses cheveux. Il n’est pas de plus gracieuse plante que la bruyère blanche ; on eût dit, à la voir balancer ses délicates girandoles sur les cheveux noirs de Lavinia, des grappes de perles vivantes. Un goût exquis avait présidé à cette coiffure et à cette simple toilette, où l’ingénieuse coquetterie de la femme se révélait à force de se cacher.

Jamais Lionel n’avait vu Lavinia si séduisante. Il fallit un instant se prosterner et lui demander pardon ; mais le sourire calme qu’il vit sur son visage lui rendit le degré d’amertume nécessaire pour supporter l’entrevue avec toutes les apparences de la dignité.

À défaut de phrase convenable, il tira de son sein un paquet soigneusement cacheté, et, le déposant sur la table :

— Madame, lui dit-il d’une voix assurée, vous voyez que j’ai obéi en esclave ; puis-je croire qu’à compter de ce jour ma liberté me sera rendue ?

— Il me semble, lui répondit Lavinia avec une expression de gaieté mélancolique, que, jusqu’ici, votre liberté n’a pas été trop enchaînée, sir Lionel ! En vérité, seriez-vous resté tout ce temps dans mes fers ? J’avoue que je ne m’en étais pas flattée.

— Oh ! madame, au nom du ciel, ne raillons pas ! N’est-ce pas un triste moment que celui-ci ?