Page:Sand - Nouvelles Lettres d un voyageur.djvu/143

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capricieuse demeure moresque du gouverneur à Mayorque. La ville est déserte et muette, tout le monde paraît endormi à neuf heures du soir. Nous revenons par la grève, où la mer se brise par de rares saccades très brusques au milieu du silence. La lune est couchée. Le gaz seul illumine le pied du grand rocher et jette des lueurs verdâtres sur les rampes de marbre blanc et les orangers du jardin. La roulette va toujours. Un rossignol chante, un enfant pleure…

Pour gagner Menton, le lendemain matin, nous traversons une gorge qui ressemble aux plus fraîches retraites de l’Apennin du côté de Tivoli ; les oliviers y sont superbes, les caroubiers monstrueux. Ceci doit être un nid pour la botanique ; mais peu de fleurs sont écloses, et nous passons trop vite. Nous courons et ne voyageons pas. Il faudrait revenir seul au mois de juin. Nous sommes gais quand même, parce que nous nous aimons les uns les autres, et parce que voir ainsi défiler des merveilles comme dans la confusion d’un rêve est, sinon un plaisir vrai, du moins une ivresse excitante. On revient de la frontière d’Italie à Cannes en quelques heures. Route excellente, aucun danger et aucune interruption