Page:Sand - Nouvelles Lettres d un voyageur.djvu/157

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d’air rustique et de liberté. Tu étais souffrant. Ta sœur, l’être adorablement maternel, te reçut avec joie et ne te gronda pas.

Moi, j’étais affligé de ta désertion. L’illustre vieillard m’avait dit :

— Votre jeune frère a le pied à l’étrier. On arrive à tout quand on est doué comme lui.

Parlait-il ainsi pour m’être agréable, ou parce qu’il avait senti en toi un véritable amant de la nature ? Dans ce dernier cas, il a dû comprendre ta fuite. Arriver, voilà un grand mot, le mot, le but, le charbon ardent de la génération actuelle. Il n’a pas touché tes lèvres, tu n’y as pas cru, ou tu l’as trop analysé, ce charbon qui souvent n’allume rien, ce mot qui résume pour la plupart des hommes, un océan de déceptions. Je ne parle pas de ceux qui se croient arrivés quand ils sont riches ou influents. L’argent ou l’autorité, c’est le but du vulgaire ; les esprits plus élevés ou plus aimants rêvent la gloire ou la satisfaction intérieure de se rendre utiles, de servir la science, la philosophie, le progrès, la patrie.

Une modestie excessive, farouche même, t’a persuadé que tu n’avais rien d’utile à communiquer