» — Eh bren, bren, dist Pantagruel, qu’est-ce que veult dire ce fol ? Je croi qu’il nous forge ici quelque languaige diabolique, et qu’il nous charme comme enchanteur !
» À quoi dist ung de ses gens :
» — Seigneur, sans doubte, ce galant veult contrefaire la langue des Parisians ; mais il ne faict qu’escorcher le latin et cuide ainsi pindariser ; et luy semble bien qu’il est quelque grand orateur en françoys, parce qu’il dédaigne l’usance commune de parler.
» À quoy dist Pantagruel :
» — Est-il vrai ?
» L’escholier respondist :
» — Signor messire, mon genie n’est point apte nate à ce que dist ce flagitiose nebulon, pour escorier la cuticule de votre vernacule gallicque ; mais viceversement je gnave opere,
qui régit les astres. J’aime et je chéris mon prochain. J’observe les préceptes du Décalogue ; et, selon la puissance de mes forces, je ne m’en écarte de la longueur de l’ongle ; il est bien vrai que le dieu des richesses ne verse une goutte dans mes coffres, et c’est à cause de cela que je suis quelque peu rare et lent à faire l’aumône à ces pauvres qui vont demander aux portes. »