Page:Sand - Nouvelles Lettres d un voyageur.djvu/254

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jetant avec l’inspiration de l’artiste, des dessins toujours nouveaux, des richesses toujours inattendues du bout de ses jolis doigts, du fond de son ingénieuse pensée, du fond de son cœur surtout. Oui, c’est son cœur qui travaille, car c’est lui qui la soutient dans cette desséchante fatigue d’une vie sédentaire, où le cerveau brille, où le sang glace. Il n’y a pas une de ces fleurs qui ne soit éclose sous l’influence d’un sentiment généreux et qu’une larme de ferveur patriotique n’ait arrosée.

Qui nous dira le mystère sacré de ces pensées, tandis que, courbée sur son ouvrage, tremblante de fièvre, attentive pourtant au moindre cri, au moindre geste de ses enfants, elle poursuivait d’un air calme et dans une apparente immobilité le poëme intérieur de sa vie ? Chacun de ces fantastiques ornements qu’elle a tracés sur l’or et la soie renferme le secret d’une longue rêverie ; l’immolation de sa vie entière est là.

C’est ainsi que, chaque année, elle rassemble tous les travaux qu’elle a terminés pour les vendre elle-même aux belles dames oisives du grand monde. Elle ne leur fait payer ni son travail, ni sa peine, ni sa pensée créatrice : elle