Page:Sand - Pierre qui roule.djvu/212

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fants plus jeunes que moi, morts dans la même année. Mon père, encore jeune, me couchant pendant que ma mère allaitait le dernier-né, et ramenant sur ma figure le gros drap de toile de chanvre qui devait préserver mon réveil des mouches, plus matinales que moi.

— Ici, pensai-je, il n’y a pas de mouches, mais il n’y a pas de draps.

Et je me demandai naïvement si c’était la coutume des grands seigneurs de s’en passer. À toutes les questions que je m’adressais, je sentis l’engourdissement du sommeil qui répondait avec sa suprême insouciance : qu’importe ? Un son clair et argentin m’éveilla, c’était la voix du rossignol logé en face dans les jardins, qui pénétrait jusqu’à moi à travers les vitres et les rideaux avec un mince rayon de lune. Je me dis que l’oiseau, artiste éloquent sans se donner de peine et sans craindre de fiasco, amoureux satisfait et protecteur accepté, était, sur sa branche, beaucoup plus heureux que moi sur le duvet et le satin, et je me rendormis profondément ; si profondément, que je n’entendis pas entrer dans la pièce voisine, et ne fus réveillé que par un bruit de pincettes qui tisonnaient le feu du salon.