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Creuse, et, quand nous avons trois jours de liberté, nous te fuyons pour aller tremper le bout de nos doigts dans les petits flots mutins de la naïade de Châteaubrun et de Crozant. Les bons bourgeois et les jeunes poëtes de nos petites villes vont voir ces rochers, après lesquels ils croient naïvement que les Alpes et les Pyrénées n’ont plus rien à leur apprendre.

Faisons comme eux, oublions le mont Blanc et le pic du Midi. Oublions même Mayorque et l’Auvergne, et le Soracte, plus facile à oublier.

Qu’importe la dimension des choses ! C’est l’harmonie de la couleur et la proportion des formes qui constituent la beauté. Le sentiment de la grandeur se révèle parfois aussi bien dans la pierre antique gravée d’un chaton de bague que dans un colosse d’architecture.

La journée était devenue brûlante ; nos chevaux avaient faim et soif : nous descendîmes au village du Pin, où le chemin finissait. Mais le malheureux village, il est assis au bord du ravin de la Creuse, et il lui tourne le dos ! Pas une maison, pas un œil