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le sacristain tirer d’un bahut de petits monstres fort indécents, en bois grossièrement équarri, qu’il prétendait me faire bénir. C’était l’ouvrage d’un charron de la paroisse, qui les avait fabriqués à l’instar d’anciens prétendus bons saints réputés souverains pour toute sorte de maux physiques. Ces modèles avaient été certainement des figures de démons du moyen âge, qui eux-mêmes n’étaient que le souvenir traditionnel des dieux obscènes du paganisme. Mon prédécesseur avait eu le courage de les jeter dans le feu de sa cuisine ; mais, depuis ce moment, une maladie endémique avait décimé la commune, et, sans nul doute, selon mes ouailles crédules, la destruction des idoles était la cause du fléau ; aussi le charron s’était-il fait fort d’en tailler de tout pareils qui seraient aussi bons quand on les aurait bénits et promenés à la suite du saint sacrement. Je me refusai absolument à commettre cette profanation, et, prenant les nouveaux saints, je fis comme mon prédécesseur, je les brûlai ; mais je faillis payer cette hardiesse de ma vie : mes paroissiens s’ameutèrent contre moi, et je fus obligé de transi-