Page:Sand - Promenades autour d un village - 1866.djvu/197

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Je ne parlerai pas ici de ce qu’on appelle chez nous et ailleurs le secret, ce serait une digression qui me mènerait trop loin. Je me bornerai à dire qu’il y a un secret pour tout, et presque tous les paysans un peu graves et expérimentés ont le secret de quelque chose, sont sorciers par conséquent, et croient l’être. Il y a le secret des bœufs, que possèdent tous les bons métayers ; le secret des vaches, qui est celui des bonnes métayères ; le secret des bergères, pour faire foisonner la laine ; le secret des potiers, pour empêcher les pots de se fendre au fond ; le secret des curés, qui charment les cloches pour la grêle ; le secret du mal de tête, le secret du mal de ventre, le secret de l’entorse et de la foulure ; le secret des braconniers, pour faire venir le gibier ; le secret du feu, pour arrêter l’incendie ; le secret de l’eau, pour retrouver les cadavres des noyés, ou arrêter l’inondation ; que sais-je ? Il y a autant de secrets que de fléaux dans la nature, et de maladies chez les hommes et les animaux. Le secret passe de père en fils, ou s’achète à prix d’argent. Il n’est jamais trahi. Il ne le sera jamais, tant qu’on y croira.