Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/182

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

seul, et qui mêlera de nouveau le sang de toutes les races dans une seule famille. Et si vous ne la trouvez pas aujourd’hui, cette loi sublime de l’avenir, si le secret de Dieu ne veut pas encore descendre de son sein dans le vôtre, ne cessez pas de l’annoncer ; car votre mission est prophétique, et quand tout, au-dessus de vous, semble vouloir désespérer de vous, ne désespérez pas de vous-mêmes. Il me semble que vous devez sentir déjà dans vos larges poitrines ce tressaillement mystérieux auquel les mères reconnaissent, au milieu de la joie et de la souffrance, la présence bien-aimée de l’enfant de leurs entrailles. Oui, le secret de Dieu, ce que dans notre langue prosaïque nous appelons aujourd’hui la solution du problème social, gronde sourdement dans vos seins oppressés. C’est vous qui l’enfanterez cette Sagesse divine qui sortira de vos fronts armée de toutes pièces comme l’antique Pallas ; c’est vous, ou les fils qui grandissent autour de vous, ou les frères que vos chants exaltent ; c’est vous tous, ce sont vos amis réunis à la veillée, ce sont vos filles et vos femmes qui rêvent, a tête penchée, en travaillant et en vous écoutant, qui feront descendre le Messie sur la terre ; non pas en fabriquant, chacun de son côté, quelque savante et ingénieuse mécanique sociale, mais en produisant à vous tous le grand moyen (la vertu, la foi) sans lequel toutes les théories sont creuses et tous les systèmes inapplicables. N’espérez pas que les hommes d’État, les publicistes, les économistes, les orateurs, trouvent dans leur système constitutionnel des modifications assez habiles pour vous donner la lumière et la force, comme Dieu, suivant les quiétistes, donne la grâce aux béats, même à ceux qui ne la cherchent ni