Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/181

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moyens d’action sur le gouvernement du pays, et presque tous ses moyens d’action sur le peuple. Aussi chaque jour amène-t-il une indifférence plus profonde et plus fâcheuse entre le peuple et cette opposition qui lui a promis plus qu’elle ne pouvait tenir. Mécontente des mécontentements qu’elle inspire, blessée et irritée de la méfiance qu’elle a rencontrée, elle-même commence à ne plus croire au peuple et à désespérer de son prochain avènement.

Sans railler l’insuffisance involontaire et douloureuse de ces hommes respectables, sans douter de leur dévouement, obscurci seulement en apparence par une funeste période de scepticisme et de découragement, la voix du peuple pourrait leur crier comme celle de Jésus sur le lac de Génézareth : « Pourquoi avez-vous douté de moi, ô hommes de peu de foi ? En moi est la source cachée, mais large et frémissante, de l’enthousiasme que vous n’avez plus ; en moi est la force calme et patiente dont vous ne pouvez pas sentir l’étreinte ; en moi fermente l’avenir, auquel vous ne croyez pas. »

Allons, poëtes prolétaires, à l’œuvre ! répondez, accordez vos lyres ; car vous parlez encore de la lyre sans crainte de passer pour classiques, et vous avez bien raison. Chantez vos hymnes de vérité, dites vos paroles de conviction à ces amis dont le cœur vous appelle, à ces démocrates de la bourgeoisie qui pour la plupart sont nés parmi vous, et dont aucun ne peut chercher bien loin dans la nuit des temps l’heure où sa tige s’écarta de la souche populaire. Le même sang coule dans vos veines, les intérêts seuls vous divisent en apparence. Trouvez-la donc cette loi religieuse, sociale et politique qui réunira tous les intérêts en un